Voyage d’étude à Auschwitz - Lycée Porte de Normandie

Voyage d’étude à Auschwitz Rendre lisible l’histoire d’un lieu de mémoire

, par Frédéric Jurczyk - Format PDF Enregistrer au format PDF

« Nous avons désespérément besoin, pour l’avenir, de l’histoire vraie de cet enfer construit par les nazis. Non seulement parce que ces faits ont changé et empoisonné l’air même que nous respirons, non seulement parce qu’ils peuplent nos cauchemars et imprègnent nos pensées jour et nuit, mais aussi parce qu’ils sont devenus l’expérience fondamentale de notre époque de détresse fondamentale ».

Hannah Arendt, Seule demeure la langue maternelle. La tradition cachée, Paris, Christian Bourgeois, 1987, p. 241.

Les élèves de Première Littéraire ont vécu, mercredi 23 mars, un moment important dans le cadre de leur projet d’étude « La Shoah, les exigences de la mémoire » en visitant le complexe de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Ce voyage était organisé par la Région Normandie et le Mémorial de la Shoah.

Face à la « polysémie » et aux différents « brouillages » dont ce lieu peut faire l’objet, comme l’a montré l’historienne Annette Wieviorka, cette journée fut pour les lycéens marquée par la compréhension des mécanismes du système concentrationnaire et du processus du génocide des Juifs et des Tsiganes, depuis la création du camp en septembre 1940 jusqu’à sa libération par l’Armée rouge fin janvier 1945.

La visite a commencé sur le site de la Judenrampe – la « rampe des Juifs » – située entre Auschwitz I et Auschwitz II, là où la sélection systématique entre les déportés immédiatement gazés et ceux envoyés au travail (moins d’un quart) fut opérée à partir de mars 1942.

Près du site de la « rampe des Juifs », entre les camps d’Auschwitz I et d’Auschwitz II Birkenau Auschwitz II Birkenau : au premier plan, le prolongement de la « rampe des Juifs » aménagé à l’intérieur du camp en mai 1944 ; à l’arrière-plan, l’entrée et le mirador principal ; à l’horizon, les cheminées de l’usine IG Farben (Auschwitz III).

Les élèves se sont ensuite dirigés vers le camp d’Auschwitz II Birkenau en suivant la voie ferrée prolongée en mai 1944 pour que les convois arrivent à proximité des chambres à gaz à l’intérieur même du camp. Ils ont ainsi pris conscience de l’étendue démesurée du site en découvrant les interminables clôtures de barbelés et la succession des miradors entourant les blocs pour certains encore debout, pour la plupart démantelés dont ne subsistent que les fondations.

A l’intérieur du camp d’Auschwitz II Birkenau

Recouverte aujourd’hui en grande partie par l’immensité de ces ruines, l’organisation spécifique de Birkenau en camps de femmes, d’hommes, de Tsiganes ou de quarantaine a été mise en évidence au cours de la visite.

Après le rideau d’arbres qui les enveloppait déjà en 1943, les ruines des chambres à gaz et des crématoires IV et V, constituant l’un des principaux lieux de mise à mort de Juifs déportés à Auschwitz II Birkenau, sont apparues aux élèves. C’est là, en grande partie, que 900 000 personnes furent assassinées dès leur arrivée au camp avant que leurs cadavres ne soient brûlés.

Auschwitz II Birkenau. A l’aide des panneaux présentant des photographies prises en 1943-1944 par les gardes SS et des explications apportées par une guide-historienne, les élèves ont pu mieux visualiser ce qui se passait à l’endroit précis où ils se trouvaient

Le parcours s’est poursuivi vers le « Sauna » où les déportés qui échappaient à la mise à mort immédiate à l’arrivée du camp étaient rasés et tatoués, tandis que leurs effets personnels étaient rassemblés dans les baraquements de la zone proche, le « Canada ».

La matinée s’est terminée près du monument international à la mémoire des victimes où un moment de recueillement eut lieu en présence de Ginette Kolinka.

L’après-midi fut consacrée à la visite du camp d’Auschwitz I et de son musée. Les élèves ont été frappés par la différence entre les deux sites, celui de Birkenau où de vastes étendues apparaissent comme des friches et celui d’Auschwitz I avec ses blocs en briques et ses installations entretenues et restaurées dès l’après-guerre, ainsi que ses différents lieux de mémoire.

Auschwitz II Birkenau. Les ruines de la chambre à gaz et du crématoire V, au nord du camp, détruit par les SS au moment de leur départ en janvier 1945

Tout au long de la journée, les élèves ont été accompagnés par une historienne du Mémorial de la Shoah et par un guide polonais du Musée d’Auschwitz. Les élèves ont ainsi bénéficié d’explications précises et obtenu des réponses détaillées à leurs nombreuses questions à chaque étape de leur parcours, en écho au témoignage de Ginette Kolinka au Mémorial de Caen et aux travaux préparatoires menés en classe avec Monsieur Lepetit et Monsieur Schmit, ainsi qu’au travail effectué sur les familles juives du sud de l’Eure.

Auschwitz I. L’entrée du camp, avec le portail portant l’inscription « Arbeit macht frei ». A l’arrière-plan, l’alignement des blocs des prisonniers, anciens bâtiments d’une caserne de l’armée polonaise avant la création du camp en avril 1940

Permettant aux lycéens de confronter leurs connaissances aux traces matérielles du génocide, la visite Auschwitz et de Birkenau a constitué une étape marquante dans la construction de leur projet d’étude. A leur retour, les élèves ayant participé au voyage ont exprimé leur émotion et échangé leurs impressions lors d’une séance organisée en classe.

Lunettes des déportés présentées au musée d’Auschwitz I

Une restitution des travaux des élèves sera présentée dans l’établissement jeudi 20 mai à l’occasion de la semaine culturelle. Les élèves de Première Littéraire présenteront les travaux qu’ils ont réalisés dans le cadre du projet : mises en voix de textes littéraires et philosophiques, reportage photographique sur le voyage d’étude à Auschwitz, récits sur les familles juives victimes du génocide fondés sur les témoignages de rescapés et sur l’étude des archives publiques et privées.
Une restitution générale associant les élèves des six établissements normands participant au projet se déroulera au Mémorial de Caen, mercredi 25 mai.

Frédéric Jurczyk, professeur documentaliste
Merci à Martine ANFRAY pour ses photographies

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