Il y a trois ans déjà les élèves du Lycée Porte de Normandie proposaient dans le cadre du Festival Normandie impressionniste un documentaire de 35 minutes, Le Sang bleu du désir de peindre, consacré aux rapports étroits que la peinture de Claude Monet entretenait avec le motif de l’eau.
Pour sa troisième édition, le Festival Normandie impressionniste a choisi de rassembler sa programmation autour du thème Portraits impressionnistes. Les élèves du lycée participeront à nouveau à ce festival en proposant à partir du 28 mai 2016 une exposition à l’Espace Saint-Laurent à Verneuil-sur-Avre, dans le cadre de ces festivités et rencontres culturelles. Si le regard que les impressionnistes ont porté sur le monde dessine le portrait d’une époque, le regard que les lycéens peuvent porter sur ces œuvres et sur le monde aura l’ambition de proposer de véritables Portraits démocratiques.
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En effet, si l’art du portrait est constitutif de la reconnaissance de la notion de l’individu moderne (T. Todorov), le portrait impressionniste serait constitutif de l’individu démocratique. En inventant le regard d’un portrait démocratique, les peintres impressionnistes ont livré le portrait d’une « démocratie à-venir ».
Ce projet se propose de redécouvrir la puissance d’un tel regard en invitant les élèves, par leurs attentions créatives et citoyennes, à restituer à chaque citoyen la majesté de sa présence démocratique.
Les peintres impressionnistes auront célébré et participé, par leur regard vif et libre, à l’invention d’une démocratie naissante, en accordant toute sa place à l’autonomie du sujet. Dès lors, le portrait n’est plus celui du pouvoir d’un seul ou de quelques-uns mais ce « pouvoir du peuple, qui n’est plus celui de la population ou de sa majorité mais le pouvoir de n’importe qui » (Jacques Rancière, in La Haine de la démocratie, Paris, La Fabrique, 2005, p. 56) : ouvriers, paysans, femmes et enfants, de la rue et des campagnes sont reconnus dans la dignité d’un regard neuf qui, libéré des académismes et des formes institutionnelles, laisse toute la scène du visible au jeu de l’apparaître en commun. Ce n’est donc pas le portrait d’une société individualiste que nous offrent les impressionnistes ; ils portraiturent, au contraire, et portent ainsi au regard une communauté des sujets.
Le portrait impressionniste offre à chaque individu, non pas encore son quart d’heure de célébrité, mais la reconnaissance d’un regard, ce regard du portrait (Jean-Luc Nancy) qui le constitue en tant que « sujet », le sujet d’une démocratie naissante. S’il est vrai que le sujet du portrait n’est « nul autre que le sujet lui-même, absolument » et qu’il y trouve « sa vérité et son effectivité », le portrait n’est pas seulement un genre pictural mais une expérience de la vérité en peinture du sujet. Dès lors, l’étude des portraits impressionnistes ne renvoie pas seulement à une page de l’histoire de la peinture, mais tout aussi bien et indissociablement, à l’histoire du sujet en peinture ; plus profondément, à la découverte de son autonomie.
C’est une telle autonomie que révèlent, tracent, peignent et célèbrent sur le vif les portraits impressionnistes. Ils portraiturent la réelle majesté de chaque « un », chaque visage, chaque sujet, sans atour ni attribut du pouvoir, mais dans la simple présence de son irréductible singularité. Commentant les œuvres d’E. Manet, G. Bataille écrit : « C’est la majesté retrouvée dans la suppression de ses atours. C’est la majesté de n’importe qui et déjà de n’importe quoi… – qui appartient, sans plus de cause, à ce qui est, et que révèle la force de la peinture. », (Œuvres complètes, t. IX, « Manet », « Le scandale de l’Olympia », Paris, Gallimard, 1979, p. 147). Or, cette « majesté retrouvée » n’est rien d’autre que la majesté enfin accomplie d’une dignité du sujet et d’une véritable autonomie du sujet. G. Bataille ajoute : « Cette majesté devenue simple enfin est celle de chaque homme authentiquement libre, c’est le jeu immense des formes possibles. » (Ibid, p. 136).
C’est à ce « jeu immense des formes possibles » que s’adonnent les élèves des classes de philosophie de Monsieur Schmit depuis le début de l’année : études d’œuvres et de textes d’histoire des arts, considérations esthétiques, réflexions sur le rapport entre les arts et le politique…
Le lundi 7 décembre 2015, ils se sont livrés au jeu d’une ré-écriture ou d’une re-portraiture, à la faveur de « reprises » des portraits impressionnistes et de quelques autres, ayant marqué durablement l’art pictural du portrait. De Van Eyck à Berthe Morisot, des portraits de Fayoum à Edouard Manet, les élèves, accompagnés du photographe Franck Schmitt et de la graphiste-créatrice Marion Poix, se sont offerts toute la journée une traversée dans l’histoire du regard.
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Retrouvez dans cette galerie quelques impressions de cette jeunesse en majesté…
Rendez-vous le 28 mai pour le vernissage de l’exposition à l’Espace Saint-Laurent – Verneuil-sur-Avre.